Un conflit, ou une situation de tension, touche de fait la relation entre deux ou plusieurs personnes. Toutefois son origine n’est pas forcément en lien avec les personnes en tant que telles.
Dans ma pratique de coach et de formatrice en management, j’ai observé qu’analyser les sources de conflits selon les trois axes présentés ci-après peut faciliter la prise de recul et la possibilité de trouver des modes de résolution pérennes.
La source de conflit organisationnelle a trait à l’impact, sur les personnes et sur leurs relations entre elles, des modes d’organisation de travail au sens large : définition des fonctions, répartition des responsabilités dans une mission, règles de fonctionnement, modalités de communication, procédures de travail… Pour réaliser une mission, si la répartition des responsabilités n’est pas claire, il peut y avoir des malentendus ou des désaccords sur la contribution de chacun, malentendus ou désaccords pouvant mener à un conflit. Des modalités de fonctionnement, de communication, non clairement établies peuvent également susciter des frictions.
Par exemple, un responsable commercial peut ne pas transmettre précisément des données techniques nécessaires au responsable production, alors que ce dernier les lui demande, le responsable commercial ayant d’autres priorités sur lesquelles il est évalué. Le responsable de production peut interpréter ce manque de communication comme du désintérêt du responsable commercial vis-à-vis de ses contraintes voire comme de la prise pouvoir. Ce qui peut susciter des tensions entre eux. Dans ce type de situations, des collaborateurs peuvent en déduire que décidément « travailler avec untel ou une telle leur est impossible », « qu’ils ne se comprennent pas », voire « qu’ils n’ont pas les mêmes valeurs ». Le conflit est alors interprété comme étant lié aux personnes et non à des données organisationnelles. Or, positionner d’autres personnes aux mêmes responsabilités, sans mettre à jour le dysfonctionnement lié à l’organisation (dans l’exemple précédent, des attentes contradictoires de la part de l’organisation) ne permettrait pas de le résoudre.
L’angle d’approche de la source de conflit relationnelle concerne la façon dont les gens se parlent, dont ils entrent en relation les uns avec les autres et ce que cela produit. Il peut arriver que, souvent involontairement, nous nous positionnions de façon pouvant être perçue comme dominante. Qu’à l’inverse, nous laissions le pouvoir à l’autre. Ou que nous ayons le sentiment que notre interlocuteur cherche à nous dominer. Ces modalités relationnelles où l’un ou l’autre des interlocuteurs ne se sent pas respecté, pas reconnu à sa juste valeur, ou ne prend pas sa « juste place », peuvent également être générateur de conflits à plus ou moins long terme.
Par exemple, si un responsable financier, soucieux des coûts de transport, donne un ordre de façon sèche à son collègue, responsable logistique, ce dernier pourrait lui répondre qu’il n’a aucune directive à recevoir de lui et ne pas prendre en compte sa demande. Ce qui va avoir un impact sur leur relation, mais également sur l’organisation. Une relation constructive suppose une relation d’échanges et de confiance, où chacun puisse montrer de l’écoute, de l’ouverture au point de vue de l’autre. Où chacun fasse part de son point de vue, de ses forces, de ses attentes ou difficultés, dans le respect mutuel, pour « construire ensemble ».
Certaines personnes, en raison de leur personnalité, de leur histoire, ou de leur situation personnelle ou professionnelle à un instant t, peuvent avoir des difficultés à faire preuve d’adaptation sur le plan relationnel ou dans leurs activités. La source de conflit est alors liée à des personnalités dites « difficiles ». Elles peuvent ne pas communiquer de façon ajustée ou respectueuse, ne pas parvenir à s’adapter « normalement », c’est-à-dire comme la plupart de leurs collègues, à des changements d’organisation, à de nouvelles procédures de travail, etc.
Par exemple, elles peuvent discuter exagérément les directives qui leur sont données, voire ne pas les respecter et se mettre en porte à faux avec leurs interlocuteurs, collègues ou managers. Elles peuvent aussi chercher à prendre le pouvoir en s’investissant au-delà de leurs responsabilités, ou à l’inverse, ne pas s’investir à la hauteur de ce qui est requis, etc. Ces personnes peuvent avoir besoin, parfois uniquement sur un temps donné, d’une attention particulière de la part de leur manager ou de leurs interlocuteurs pour que puissent être mis à jour leurs attentes, leurs besoins et que puisse être dénoué ce qui rend les relations avec les autres ou leur relation au travail difficile. Il arrive très souvent que ces personnes dites « difficiles » mettent à jour des dysfonctionnements organisationnels ou relationnels préexistants. La résolution des dysfonctionnements, qu’ils mettent en avant par leurs comportements « difficiles » peut, de ce fait, être un bienfait pour l’entreprise.
Ces trois sources de conflits fonctionnent en interaction. Par exemple, un manque de clarté dans la répartition de responsabilités entre deux managers peut susciter des tensions, voire la recherche de domination de l’un sur l’autre. Le conflit comporte alors à la fois une dimension organisationnelle et une dimension interactionnelle. Sa résolution supposera que des modalités de fonctionnement claires et partagées soient définies et respectées (angle organisationnel). Et que chacun s’engage à faire part de son point de vue en respectant celui de son interlocuteur, pour favoriser au maximum une relation d’échanges et de coopération (angle interactionnel).
Chaque entreprise a une culture propre, qui imprègne également la façon dont les gens se parlent, ce qui se dit ou ce qui ne se dit pas, qui encourage la coopération ou la compétition,… et ainsi favorise l’émergence de situations conflictuelles spécifiques. Les conflits sont nécessaires et constructifs s’ils permettent des échanges de points de vue, des ajustements aux contraintes des uns et des autres. Et s’ils peuvent être résolus – ou au moins connus et pondérés – pour ne pas gripper les relations et le fonctionnement de l’organisation. Prendre le temps de l’analyse et du recul peut ainsi être utile et bénéfique pour trouver des moyens adaptés de les gérer et faciliter le travail ensemble.
Gwénola Prêcheur